Emile et les images
En ce moment, je relis pour la deuxième ? troisième fois sans doute, La Bête humaine de Zola. Je reconnais y prendre du plaisir, même si j'aurais envie de lire d'autres choses plus contemporaines ou plus "exotiques". Mais j'ai un petit travail à effectuer sur cette oeuvre, alors je fais mes devoirs.
Ce qui me frappe toujours chez Zola, c'est la force des métaphores. Et quand on lit ce roman, la plongée dans les machines est toujours très forte : la Lison, cette maîtresse -la seule possible- pour Jacques Lantier, est toujours magnifiquement comparée à une femme.
J'ai aussi une pensée émue en imaginant cette fin de XIXème siècle, bouleversée par l'industrialisation, les progrès techniques, et Zola évoque ce qui nous amuse aujourd'hui : un train qui file comme la tempête à... 80km/h. Ah, Gabin, cheveux au vent dans sa locomotive !
A chaque fois que je suis dans une gare parisienne, Zola me revient comme une gifle. Il y a aussi Monet qui peint la gare Saint-Lazare, dans cette fumée splendide et parfois inquiétante... Si vous n'avez jamais vu ces toiles, courez au musée d'Orsay.
Emile Zola nous parle d'un temps que les moins de vingt ans euh non nous ne pouvons pas connaître et qui me plaît toujours autant, malgré tout. La richesse de ce siècle est incroyable, et je pense souvent que le XIXème siècle a dû être bien plus troublant pour les gens que le XXIème siècle actuel. Ce tournant fondamental, j'aime à me le rappeler en lisant un roman de Zola. Même si c'est pour la troisième fois.
Et puis, les théories naturalistes, quoique surannées et totalement dépassées (même si certains osent encore aujourd'hui asséner qu'il existe le gène de l'homosexualité ou de la criminalité), ont une saveur particulière : à l'époque, on cherchait, on affabulait en s'appuyant sur les sciences et sur ce qu'elles pouvaient proposer à cet instant T.
Zola a fait de ses recherches documentaires des oeuvres de fiction, tâchant de reproduire, avec le style, s'il vous plaît, la société de son temps. Les hommes sont pour lui des animaux, des bêtes féroces qu'un rien peut faire basculer. La faute aux ancêtres, aux ivrognes, aux dépravés, qui ont transmis leurs tares dans leurs gènes.
Etrangement, on ne rit guère de Zola en le lisant : on part du principe que ces théories sont nulles et non avenues. Seul le talent du conteur est important. Le reste, comme disait Verlaine, "est littérature"...